Dossier

Des eaux usées à l’or bleu : potentiel à révéler par une industrie engagée

Jamais le terme « usé » n’aura pris autant de valeur que ces dernières décennies. Alors que l’impact du changement climatique se fait ressentir, les eaux usées révèlent un énorme potentiel de valorisation. Un défi que notre industrie peut relever  avec dynamisme et enthousiasme, porté par des maitres d’ouvrage et des exploitants éclairés. États des lieux, enjeux et perspectives d’avenir.

Que de chemin parcouru ! Depuis le 19e siècle, où les eaux industrielles étaient directement déversées dans les fleuves et les rivières, à notre époque moderne où elles font l’objet d’un traitement intensif pour éviter toute pollution susceptible de perturber les milieux naturels. Comme une métaphore de cette évolution, citons la rivière Emscher, sise au cœur d’un ancien bassin minier de la Ruhr, en Allemagne. Ce cours d’eau était considéré au 20e siècle comme l’une des rivières les plus polluées du continent ! Désormais, un projet massif de tunnel comprenant des stations de traitement des eaux usées des villes et des industries alentour lui fait espérer une future vie en bleu (1). Et l’on parle ici du plus grand projet européen de traitement des eaux…

 

 

« UNE PRISE DE CONSCIENCE
TRAVERSE NOTRE UNIVERS. »

 

« Circularité et valorisation : le nouveau destin des eaux usées. »

Si l’on peut considérer que l’on remonte la pente, pour le bonheur des espèces sauvages mais aussi des hommes qui voient leur santé et leur cadre de vie s’améliorer, on peut également espérer être à l’aune d’une formidable aventure industrielle de valorisation des eaux usées. En effet, notre secteur jusqu’à présent s’ingéniait à enlever les charges polluantes des eaux usées et à remettre les eaux dépolluées dans les espaces naturels – rivières, fleuves, lac, mers… Or, depuis quelques décennies, des innovations bourgeonnent en vue d’amener une circularité pour cette matière première essentielle, et d’offrir à une diversité d’acteurs des solutions de valorisation des eaux usées mais également des résidus de leur épuration. Alors explorons ensemble les enjeux de cette activité, les attentes sociétales, comment nous pouvons tous agir positivement et pourquoi KSB peut accompagner ce changement

« La crise sanitaire liée
à la Covid-19 renforce
l’importance de la prise
en compte du traitement
des eaux usées
et de leurs résidus. »

EAU SECOURS !

Derrière ce bon mot se cache une réalité perfectible : l’eau est un bien commun précieux, mais subit de multiples pollutions. Macro-déchets comme les sacs plastiques ou micro-pollution avec les intrants chimiques, résidus de médicaments ou de boues industrielles, forment un cocktail qui rejoint encore aujourd’hui les cours d’eau, lacs, mers et océans de la Terre. Source primordiale de vie, l’eau non ou mal traitée peut se muer en danger pour la santé des humains, des animaux et des écosystèmes. La crise pandémique a apporté son lot de challenges supplémentaires : on discerne dans les eaux usées des villes la présence d’ARN du Sars-Cov-2, ainsi que des macro-déchets comme les masques chirurgicaux et des lingettes désinfectantes, qui compliquent la tâche des gestionnaires de réseaux d’assainissement et des stations d’épuration (2).

Paradoxe, notre ressource hydrique est partout sur notre planète, mais rarement accessible facilement. En effet, elle est salée à 97%, et les 3% restant se trouvent à 76% dans les glaciers – qui régressent à grande vitesse sous l’effet de la hausse des températures -, à 22,5% sous terre et à près de 1,5% en surface. Or la population mondiale qui en dépend a quasiment triplé entre 1950 et maintenant, de 2,6 à 7,8 milliards d’individus en 2020 (3) (4). Sans compter la projection des Nations Unis de 11,2 milliards d’humains en 2100. Partant, l’économie des ressources hydriques apparait comme un enjeu majeur du siècle en cours, d’autant que les habitudes de consommation ne sont pas à la baisse : la consommation finale des ménages français a augmenté de 83 % entre 1982 et 2017 (2).

Pas tous dans les mêmes eaux

Bien sûr, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Au global, 80% des eaux souillées sont rejetées dans l’environnement sans aucun nettoyage, 92% dans les pays à faible revenu, et 30% dans ceux aux revenus les plus élevés (2). Selon l’ONU, plus de 4 milliards de personnes n’ont pas de raccordement à un réseau d’assainissement, ce qui laisse entrevoir l’ampleur de la tâche à venir pour les industriels.

En Europe, la situation est en amélioration constante, sous la pression des citoyens et des pouvoirs publics. Abreuvés d’informations scientifiques, particuliers et décideurs ont ainsi pu découvrir la présence dans les eaux naturelles de polluants tels que les perturbateurs endocriniens, des produits pharmaceutiques ayant un impact sur la détermination du sexe des poissons, les microplastiques, les nitrates, etc. Des composants qui s’ajoutent à la liste des polluants issus des eaux usées agricoles et industrielles, dont la présence a été somme toute fortement réduite du fait des progrès réalisés par les filières pour réduire leur production et améliorer le traitement.

« De plus en plus d’exigences
sur la qualité de l’eau et 
la préservation 
des écosystèmes. »

 

« Deux enjeux majeurs 
se dégagent : une économie des
ressources hydriques et
une amélioration de la
qualité des eaux usées. »

Les citoyens sur le pont

L’Union européenne renforce de son côté sa législation vis-à-vis des États-membres. Début 2021, elle a adopté une directive renforçant ses exigences en matière de qualité de l’eau, un texte poussé par l’initiative citoyenne « Right2water », et dont l’application par les États-Membres devra être entérinée sous deux ans (5). Parmi les dispositions du texte, l’actualisation des normes à suivre pour assurer la qualité de l’eau, un meilleur accès des consommateurs aux informations récentes, l’instauration d’une approche fondée sur les risques dans le cadre de la surveillance de l’état des eaux, et la révision des exigences en matière d’hygiène applicable aux matériaux entrant en contact avec l’eau potable. À noter que ce texte s’appuie sur les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (6).

Comme énoncé précédemment, la filière de traitement des eaux usées procédait jusqu’à présent en enlevant leur charge polluante avant de les réinjecter dans leurs milieux d’origine (rivières, lacs…). Ce modèle dominant dans les pays développés se voit depuis plusieurs décennies challengé par des propositions plus résilientes, poussant notamment vers davantage de circularité et de diversité des parties prenantes impliquées dans le cycle de l’eau.

Un b’eau projet de société

Le formidable entrain d’un certain nombre d’acteurs de notre société est de nature à relever les challenges de l’eau. Entreprises, collectivités, pouvoirs publics, citoyens… se mobilisent pour innover et imaginer comment récupérer l’eau, la stocker, la réinjecter en circuit local, l’orienter vers les circuits et les activités appropriées en fonction de leur potabilité… Sans oublier le sujet majeur du traitement des résidus d’épuration des eaux usées. Les industriels de la filière de la collecte et du traitement, de la fabrication des composants de récupération et de la filtration, ont un rôle majeur à jouer pour inspirer, accompagner et fournir nos sociétés en solutions adaptées.

Lors de balades dans les campagnes et en banlieues résidentielles, il est frappant de voir l’apparition de citernes de récupération d’eau de pluie chez les particuliers. En cause ? Une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux, alimentée par un mouvement de sensibilisation croissant à l’économie des ressources hydriques dans bons nombres de publications établies (magazines, médias, livres…) comme amateurs (youtubbeurs, blogs, réseaux sociaux…). Ainsi collectée sur nos toitures, cette eau peut satisfaire des usages journaliers moins contraignants d’un point de vue sanitaire, comme l’arrosage du jardin, le remplissage du réservoir de la chasse d’eau des toilettes, le lavage de la voiture… Même les eaux usées des douches, des bains ou de la vaisselle font l’objet de conseils pour une seconde vie domestique, moyennant des précautions d’utilisation.

« La façon d’utiliser 
les eaux usées ou récupérées
fait l’objet d’un intérêt
citoyen croissant. »

Des collectivités aux entreprises, l’Ôdyssée circulaire

Le même raisonnement s’applique à l’échelle de nos collectivités, qui peuvent choisir de distribuer ces eaux usées ou récupérées par un réseau dédié à l’échelle de la communauté, pour des besoins ne nécessitant pas une potabilité. Et ils ne sont pas moindres : arrosage des parcs et jardins publics, terrains de sport, nettoyage de la voierie… Idem pour une entreprise ou un ilot d’immeubles de services ou résidentiels, mais aussi pour une exploitation agricole pour qui la récupération des eaux peut servir à l’irrigation, ou une industrie nécessitant de l’eau pour refroidir ses installations. L’année dernière, le législateur a même encouragé la réutilisation des eaux non conventionnelles, notamment en prévoyant de déterminer par décret en 2023 les « exigences de limitation de consommation d’eau potable pour les constructions nouvelles (…), notamment s’agissant des dispositifs de récupération des eaux de pluie » (7).

« Rien ne se perd, rien ne se
crée, tout se transforme.»
Antoine Lavoisier

Une fois les eaux usées traitées et épurées, restent les résidus d’épuration, qui eux-mêmes vont subir une succession de traitements afin de les rendre aptes à la réutilisation. Plus de 70% des boues issues des stations de traitement des eaux usées sont utilisées en agriculture, dans le but d’apporter aux sols de la matière organique et des éléments fertilisants comme de l’azote et du phosphore (8). Elles font l’objet d’un contrôle anti-toxicité et peuvent également servir à régénérer des sols endommagés par des activités intensives. L’autre voie est celle de la matière première énergétique. Ces résidus peuvent être incinérés afin d’alimenter un réseau de chauffage urbain.

« Les eaux chargées
et usées mettent à rude
épreuve les installations,
les composants et les
matériaux. »

Projets pilotes dans les territoires

Certaines villes se sont d’ailleurs lancées dans cette voie, comme Boulogne-sur-Mer avec un mix énergétique renouvelable incluant des boues épurées pour chauffer deux quartiers (9). Enfin, une solution qui connait un intérêt grandissant auprès des collectivités, la fabrication de biométhane issu de la fermentation de ces boues. Exemple avec BioGNVAL à Valenton en région parisienne. Ce projet pilote vise à produire ce biogaz à partir des eaux usées des Franciliens pour alimenter les collectivités et les industriels en biocarburants et en combustibles (10). Parmi les avantages finaux, citons de moindres émissions carbone pour les véhicules qui le consomment sous forme de biocarburants.

« Sur le chemin de l’eau,
se rencontrer.
À la force des innovations
et des expertises de tous,
préserver notre mode
de vie, la santé des nôtres
et notre environnement
naturel. »

Ce premier Dossier de notre plateforme web pilote Eau majuscule reflète ce que nous souhaitons être auprès de vous : précis, pertinent, positif, alerte et apporteur de solutions. Pour transformer l’eau usée en une nouvelle ressource, le premier pas à faire est de changer notre regard sur elle, afin de la considérer dans chacun de nos gestes quotidiens, comme un bien précieux sans cesse renouvelé.

Vous l’aurez compris à travers ce dossier, une grande partie du monde reste encore à équiper, des écosystèmes entiers ont besoin de nos efforts acharnés, nos pays développés ont tout intérêt à phosphorer pour améliorer en continu nos installations, davantage recycler, réutiliser et diminuer notre empreinte carbone. Relevons ce challenge passionnant, stimulant et positif !

(1) Source : Site Internet de KSB.
(2) Source : Le Monde Hors-série – L’atlas de la Terre – Comment l’homme a dominé la nature.
(3) Source : United Nations.
(4) Source: Wikipedia.
(5) Source: Dalloz.

(6) Source: OMC.
(7) Source: Le Moniteur.
(8) Source: Anses.
(9) Source: CERDD.
(10) Source: Ademe.